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La douce mélodie des dames du jeudi
Tous les jeudis, elles se réunissent... pour parler, se raconter et redessiner à l'envie leurs souvenirs... Les adoucissant ensemble au tamis de la vie passé et les affinant de la vie encore à venir. Quel meilleur moyen que de se retrouver ensemble pour jouer de son instrument préféré afin de se protéger de l'ennui. Pour rythmer leurs échanges, le fantôme de Jean plane, allumant et rallumant les lampes comme on éclaire le passé... en donnant un nouvel éclairage ? Elles ? Elles sont trois : Hélène (Catherine Rich), sœur de Jean, pète-sec et solitaire mais aux rares élans tendres et entiers ; Marie (Annick Blancheteau), femme de Jean, mère de famille en apparence solide, mais sachant être délicate et fragile, lucide aussi lorsqu'elle discute de sa place dans le caveau familial avec Hélène ; et Sonia (Marina Vlady), russe, le cœur sur la main, au rire et à l'humeur vivifiante, mais doutant parfois. Cette dernière a sans doute flirter avec Jean. Toutes trois ont toujours été amies, depuis l'enfance. A ce trio si différent mais, tel un triolet, se trouvant sur la même portée, se joignent le fantôme de Jean, bien "vivant", qui ponctue de ces apparitions et de ses "éclairages" les petites discussions entre amies ; et le fils de Sonia, seul enfant présent du trio, égoïste mais charmant, avec surtout "un poil dans la main", venant régulièrement "plumer" sa mère.
Et les souvenirs fusent et les personnalités se dévoilent... comme autant de rires et d'émotions. Loleh Bellon, à la différence de Tchekhov, écrit le passé au présent, pas d'espoirs perdus car hier se raconte aujourd'hui pour mieux vivre demain. Ici pas de nostalgie, les étapes de vie racontés, communes aux trois ou pas, intimes ou pas, tristes ou gaies, sont traversées avec un bonheur serein, que l'on ressent, même lorsque des petits "incidents" (notamment à l'enfance ou à l'adolescence) sont abordés. Les angoisses, les chamailleries de l'enfance jaillissent comme l'eau fraîche de la fontaine des souvenirs et tout reste mélodique, harmonieux... une très belle écriture. On assiste presque "voyeur" aux échanges complices de ces trois amies. Que ce soient des coups de gueule ou des coups de tendresse, le fil qui les unit tient toujours bon.
Et Marina Vlady, Catherine Rich et Annick Blancheteau s'en donnent à cœur joie, offrant le meilleur de leur art. Évidemment superbement écrite, elles interprètent cette partition avec une souplesse virtuose où chaque modulation, dans une tonalité propre à chacune, s'additionne pour composer une douce musique.
Le phrasée, l'élégance d'écriture de Loleh Bellon trouve ici de précieux instruments pour interpréter avec justesse la musicalité des mots. Le chef d'orchestre qu'est Christophe Lidon dirige l'ensemble avec douceur et fluidité. Sa mise en scène structure intelligemment cette partition et il sait judicieusement faire tourner l'ensemble comme un pas de danse que les dames du jeudi aiment encore esquisser. Au final, du très grand théâtre... La recette : la première pièce de Loleh Bellon (écrite en 1976), déjà révélatrice de son talent, empreinte d'une étonnante musicalité et d'un amour passionné pour les mots, la justesse et l'incroyable efficacité de la mise en scène de Christophe Lidon, et évidemment une distribution remarquable avec Marina Vlady, Catherine Rich et Annick Blancheteau, au summum de leur talent, accompagnées bien sûr, avec tout autant de talent, par Bernard Alane et Grégory Gerreboo. Il ne reste plus qu'à déguster sans modération !
"Les Dames du Jeudi"
(Vu le 16 septembre 2010)
Texte : Loleh Bellon.
Mise en scène : Christophe Lidon.
Avec : Marina Vlady , Catherine Rich , Annick Blancheteau,
Bernard Alane , Grégory Gerreboo.
Du 10 septembre au 23 décembre 2010.
Du mardi au samedi à 21 h. Samedi à 18 h 30
et dimanche à 15 h 30.
Théâtre de l'Oeuvre, Paris 9e, 01 44 53 88 88.
Photo ci-contre : © Bruno Perroud.
