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Sans tabou et avec humour, petit voyage au pays de Vian

Jérôme Savary et sa compagnie sont de retour sur la scène parisienne avec deux spectacles ! "Paris Frou Frou - La dernière séance", une délicieuse et colorée friandise interprétée avec délicatesse et maestria par Michel Dussarrat (l'inoubliable maître de cérémonie dans "Cabaret") et Frédéric Longbois (un étonnant et jeune chanteur d'opérette aux talents multiples)...

Et "Boris Vian - Une trompinette au paradis", un cabaret musical extraordinaire en forme d'hommage décalé, plein de magie, d'humour et de passion sur des notes bien évidement très jazzy. Pour effectuer ce voyage dans le temps, Jérôme Savary a convoqué les "fantômes" des contemporains de Bison Ravi (anagramme et pseudo choisi à l'époque du cercle Legâteux), du Che à Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir en passant par Juliette Gréco et Miles Davis, Sydney Bechet, Magali Noël, Henri Salvador, les Frères Jacques et un lieu mythique, le Tabou.

Dans cette évocation pleine de gags et de numéros magiques (digne du Magic Circus !), entre gaieté, émotion et poésie, Savary glisse sa propre histoire pour mieux parler de cet artiste iconoclaste aux multiples talents qu'est Vian. Deux histoires, deux trajectoires, deux vies forgées au fil des rencontres. Pour Savary, il y aura celle, sans beaucoup d'importance à l'époque, avec Vian au Tabou alors qu'il a quatorze ans et qu'il est avec son père, un assidu des caves de Saint-Germain. Ce même jour, il verra Sydney Bechet dont il est fan. Il y a aussi toutes celles qu'il fera à 19 ans en allant à New York (Lenny Bruce, Jack Kerouac, Count Basie, Thelonious Monk, etc.) et cette rencontre imprévue avec le Che, à Paris, en 1964. Pour Vian, elles sont nombreuses et déterminantes, de son premier groupe, "Accord Jazz" avec François Missoffe à Sartre qu'il initie au Jazz, en passant notamment par Renée Lebas qui l'aidera à devenir un professionnel de la chanson et Jacques Canetti qui le poussera sur scène.

Sur cette mélodie de souvenirs, Jérôme Savary tisse un pachwork/collage à la Max Ernest, coloré, joyeux et enlevé, aux fils des chansons de Vian, des "tubes" (Je voudrais pas crever, Le déserteur, La blouse du dentiste, etc.) aux titres moins connus (Hippique, Surabaya Johnny [Kurt Weill et Bertolt Brecht, paroles françaises de Vian],etc.). Et c'est là que s'impriment tout le génie et le savoir-faire de Savary et de sa compagnie. Son cabaret (le Tabou !) retranscrit parfaitement la folle ambiance du Saint-Germain de l'après-guerre. Tous, comédiens-chanteurs et musiciens, donnent, avec passion et enthousiasme, un éclat nouveau et original aux chansons de Vian. Que ce soit Nina Savary, lumineuse et charismatique dans ses interprétations de "Fais-moi mal Johnny", "Mozart avec nous" ou Le cinématographe", émouvante et juste avec "Le déserteur", ou avec son père pour "Bourrée de complexes" ; le clown Antonin Morel, pétillant dans ses différents personnages, remarquable et burlesque chantant "J'suis snob", le talentueux Frédéric Longbois ; la souple et féline Sabine Leroc posant ses pas graciles sur le fil des notes de jazz ; ou la formation musicale des "Franciscains Hot Stompers", ils construisent ensemble un spectacle bourré d'énergie et de "vitamine C" qui n'a la prétention que de ce qu'il est : un formidable complément énergétique jubilatoire et régénérant. On se surprend à fredonner avec plaisir en sortant du Dejazet... Et ça, c'est une très belle performance... en ces temps de morosité en mode mineur ! Gil Chauveau

"Boris Vian - Une Trompinette au Paradis"

(Vu le 28 septembre 2010)

Ecrit et mise en scène par Jérôme Savary, assisté de Manon Savary.

Avec : Nina Savary, Jérôme Savary, Antonin Morel, Sabine Leroc, Frédéric

Longbois. Orchestre : les "Franciscains Hot Stompers".

Direction musicale : Philippe Rosengoltz.

A partir du 17 septembre 2010. Mardi au samedi à 20 h 30, dimanche à 15 h.
Théâtre Dejazet, Paris 3e, 01 48 87 52 55.